L'inertie dans le bâtiment

Avant propos

Le bioclimatisme des "années solaires" est toujours une partie indispensable de la notion actuelle d'Éco-bâtiment". La notion d'Éco" recouvrant aussi bien l'approche économique du produit sur l'ensemble de son cycle de vie, que la notion écologique de respect de l'environnement.

Le bioclimatisme aujourd'hui prend donc une nouvelle dimension légale en sortant de son ghetto d'économie d'énergie et de rentabilité à court terme pour s'intégrer dans une démarche plus généreuse liée à la notion globale d'Éco-bâtiment.

L'inertie thermique des bâtiments, sujet de notre propos et base technique avec l'ensoleillement du bioclimatisme, est liée à des matériaux et à la manière dont ils constituent un bâtiment.

Les principales notions physiques des matériaux regroupées derrière le terme d'inertie thermique participent au bon rendement, à la bonne utilisation et au confort de la machine thermique qu'est aussi l'habitat.

L'exposé suivant par son côté technique et son approche de rendement thermique ne doit pas faire oublier qu'aujourd'hui la bonne utilisation et le confort sont des notions importantes qui se traduisent par la mise en valeur de critères liés au cycle de vie du bâtiment et des matériaux.

Le titre de notre propos sera donc "l'inertie dans le bâtiment, une manière de concevoir une régulation-isolation thermique des quatre saisons".

Mais que recouvre en vérité cette notion d'inertie dans le bâtiment ?

L'inertie thermique et le bâtiment.

La notion générale d'inertie exprime une "résistance" propre à un changement d'état ou de régime, donc à des phénomènes dynamiques

Dans le domaine de la mécanique, la "résistance" à une accélération est caractérisée par la nécessité d'une force proportionnelle (à accélération égale) à la masse concernée. l'inertie", c'est à dire cette résistance à une variation d'état de mouvement est donc parfaitement caractérisée par la masse. Par analogie, on a trop tendance à caractériser "l'inertie thermique", c'est à dire cette "résistance" d'un ensemble à une évolution de température, par une masse ("thermique") å M ou plus précisément, à une capacité thermique Cth : Cth = å MC, C étant les chaleurs massiques

Or, "l'inertie thermique" est mal caractérisée par la capacité thermique puisque, si cette dernière a essentiellement une influence sur un état final (Q, quantité de chaleur fournie = Cth D T, D T étant l'accroissement de température), elle n'en a que peu sur la dynamique de l'évolution thermique. La masse thermique pourrait éventuellement caractériser l'inertie si on ne tient pas compte de variation de flux thermique, c'est à dire.... si on se rapproche des régimes permanents ! Ces régimes permanents sont la base d'une simplification conventionnelle d'estimation des matériels et matériaux thermiques à installer, mais ne peuvent en aucun cas représenter le véritable fonctionnement thermique d'un bâtiment.

La mise en évidence de l'inadéquation de la seule prise en compte de la masse et de la chaleur massique peut s'exprimer pratiquement par l'affirmation suivante : "une maison de béton et une maison imaginaire de polystyrène expansé, de même épaisseur d'enveloppe ont, l'été, dans le même climat continental - avec des variations de température jour/nuit importantes - sensiblement le même comportement thermique. Or les masses comme les capacités thermiques de ces deux maisons n'ont rien de comparable !..

La notion d'inertie thermique dans le bâtiment est donc plus complexe et s'appuie sur d'autres constantes physiques des matériaux.

Évolution de température - mur semi-infini

Lorsque les évolutions de température sont lentes avec de faibles échanges de chaleur, on peut toujours admettre que la température des matériaux intéressés est pratiquement homogène. Il est alors simple d'exprimer les phénomènes classiques de refroidissement et de réchauffement lent des matériaux.

Tout matériau, placé dans une ambiance dont la température est peu différente de la sienne, se refroidit ou se réchauffe lentement et produit une courbe d'évolution presque linéaire et plate.

Lors d'évolutions plus rapides des températures et des flux échangés, les courbes d'évolutions obtenues sont sensiblement différentes et en fonction de la rapidité deviennent plus pentue pour se déformer et devenir des sinusoïdes. Notons que, s'il fallait représenter exactement les phénomènes en cause, on devrait tenir compte de ce qui se passe des deux côtés du mur - le côté soumis à l'action d'un flux thermique, ou d'une évolution imposée, et l'autre baignant dans une ambiance stable ou évolutive. Situation complexe à modéliser.

Il est possible d'approcher la réalité de façon satisfaisante en ne considérant que le premier côté du mur et en supposant que son épaisseur tend vers l'infini.

Des températures et des flux dans un mur semi-infini.

Refroidissement et réchauffement lent des matériaux

Tout matériau à température T0 , placé dans une ambiance à température Ta peu différente de la sienne, se refroidit ou se réchauffe lentement. sa température au moment "t" dépend notamment :

- du coefficient d'échange h

- de la surface d'échange S

- de sa capacité thermique Cr V ou MC

En admettant que tout le volume V est à température constante.

Action d'un flux de densité constante

Considérons un mur semi-infini à température uniforme soumis brusquement à un flux de densité constante q .

La température en un point du mur dépend du temps t et de sa profondeur à l'intérieur du mur.

la variation de température D t de la face de la paroi sous l'action du flux s'exprime en fonction du temps t par :

D t = 2 (q / l )((a t)/ p ))½ ou a = l ./ Cr est la diffusivité du matériau constituant le mur. Elle dépend de la conductivité, de la masse volumique et de la chaleur massique.

Après transformation, l'expression peut s'écrire :

D t = (2 q ) / (l .Cr )½ (t / p

On pose b = (l .Cr )½ qui est l'effusivité thermique.

Action d'un saut de température

Le flux qui traverse le mur est directement proportionnel à l'effusivité.

Propagation d'un saut de température

La température à une certaine profondeur augmente de manière inversement proportionnelle à la diffusivité.

La vitesse de propagation de l'onde (ou vitesse de phase) est directement proportionnelle à la diffusivité.

Le comportement thermique du bâtiment face aux actions du climat

Les constructions sont soumises de la part du climat à deux actions différentes :

- Le climat agit sur les températures extérieures des enveloppes. Celles-ci subissent d'abord les variations journalières des températures extérieures. Pour une enveloppe "correctement" isolée, la température de sa face extérieure, si elle n'est pas ensoleillée, est très voisine de la température entre le jour et la nuit.
Si la face extérieure est soumise à l'ensoleillement, sa température est influencée par la densité du flux incident et subit de ce fait, au cours de la journée, des variations encore plus importantes.

- Le climat agit également par apport d'énergie à l'intérieur du bâtiment, apport dû au rayonnement solaire en qui est transmis à travers les vitrages et dont une grande partie est absorbée dans les parois.

Il convient de constater dès maintenant que deux types de paramètres parfois liés entre eux, la température et la puissance thermique, vont provoquer la dynamique du bâtiment. En mécanique un seul type de grandeur - les forces - donne naissance à un phénomène dynamique. Rien d'étonnant dans ces conditions que la notion d'énergie, simple en mécanique, ne le soit plus en thermique.

En thermique les températures et flux peuvent varier tous deux de manières très différentes :

- les variations de température extérieure peuvent être très lentes et les valeurs de la densité du flux solaire incident faibles (cas des périodes couvertes),

- les variations de températures extérieures peuvent être au contraire être brutale et les densités de flux solaire important lors de l'ensoleillement (cas des périodes claires).

Il résulte deux schémas types que l'on peut combiner entre eux.

Les changements d'états

Faibles flux et faibles changement de températures.

On peut admettre que les températures à l'intérieur des volumes considérés et des structures sont uniformes et que c'est tout le volume concerné qui varie en température ( j = l (dT / dx).

La dynamique de ce phénomène est fonction de la capacité thermique MC qui caractérise alors bien "l'inertie thermique" du bâtiment.

C'est la notion la mieux comprise et qui correspond à la situation la moins dynamique. Il est aussi dommage d'en rester là en oubliant deux paramètres qui sont la surface d'échange et le coefficient d'échange h qui peuvent à capacité thermique égale modifier profondément le comportement thermique d'un bâtiment.

Ensoleillement important

Les apports solaires directs à travers les baies vitrées peuvent atteindre des valeurs importantes. Combinés à l'ensoleillement de certains murs cet effet peut annuler les déperditions.

Rayonnement solaire tombant sur une paroi.

Dans une première phase, on peut considérer que la paroi est soumise à une densité de flux constante et qu'elle se comporte comme un mur semi-infini. La température à l'intérieur de la paroi varie beaucoup avec la profondeur x et dépend de la diffusivité a et on observe que la température de la face soumise au rayonnement varie très rapidement avec le temps. Ainsi certains lieux on des températures radiantes élevées. Le flux perdu dans l'ambiance augmente la température de l'air.

Parois non exposées aux rayonnements solaires.

A la suite du processus précédent il est possible d'obtenir une surchauffe des locaux. La température résultante s'élève du fait de l'augmentation simultanée de la température radiante et de la température de l'air. Ce phénomène "rapide "entraîne un saut de température de surfaces des parois non exposées.

La densité de flux que ces parois non exposées sont capables d'absorber est directement caractérisée par l'effusivité b et indirectement par la surface S.

Lorsqu'il existe des apports passifs dans un bâtiment

- l'inconfort par surchauffe est d'autant plus important que l'effusivité est faible et que la surface d'échange est faible.

- a confort et perte thermique respectivement identique, il y a d'autant plus d'accumulation de chaleur passive et donc de restitution décalée que l'effusivité des parois est grande.

Pour ce type de phénomène thermique dynamique courant, le confort comme le captage solaire dépendent essentiellement des surfaces absorbantes disponibles et de l'effusivité des matériaux qui les constituent. L'inertie thermique - statique" - est une notion qui n'a alors plus beaucoup de sens.

Température intérieure et température extérieure

Qu'elle incidence la variation journalière de la température extérieure a-t-elle sur la température intérieure du bâtiment ?

Dans le cas d'un espace sans entrée d'énergie solaire par les vitrages et sans production interne de chaleur soumis à une variation sinusoïdale de température extérieure, la température moyenne intérieure est égale à la température moyenne extérieure, et la température instantanée est pratiquement égale à la température de surfaces intérieures de l'enveloppe.

On peut alors évaluer que la variation de la température intérieure d'un mur ,en considérant que celui ci est suffisamment épais, comme directement lié à la seule grandeur thermique qu'est la diffusivité. Ainsi la capacité thermique , tant vantée dans la lourdeur des vieux édifices n'a en tant que telle, aucune influence sur le confort intérieur d'été.. Les édifices sont confortables par l'épaisseur de leur mur et la diffusivité de ceux-ci. Leur masse n'est pas une grandeur intéressante si on la considère de manière isolée.

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